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25 novembre 2007 7 25 /11 /novembre /2007 00:46
Contribution de Marine Roussillon à l'Assemblée générale extraordinaire de section du 5e arrondissement.


  • Préalables : pourquoi actualiser le projet communiste ?

« Les communistes peuvent résumer leur théorie dans cette formule unique : abolition de la propriété privée ». (Marx, Manifeste du Parti communiste)

Le communisme comme mode de production

Le communisme, c’est d’abord un mode de production, fondé sur l’abolition de la propriété privée des moyens de production et d’échange, et par conséquent sur la suppression du rapport d’exploitation. Ce mode de production est ainsi un mode de production émancipateur, qui fait de la société communiste

« une association où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous » (Engels).

Le projet communiste, ainsi défini, ne semble pas avoir besoin d’être actualisé. Tant que le capitalisme et l’exploitation existeront, le communisme existera lui aussi, comme espoir et comme projet.

Le communisme comme mouvement

Mais le communisme est aussi « le mouvement réel qui abolit l’état des choses existant » : le développement du capitalisme a pour corollaire le développement de ses contradictions, contradictions qui portent en elles la possibilité d’un dépassement du capitalisme. La définition du communisme, comme mouvement, est donc étroitement liée à l’analyse de l’évolution du capitalisme. C’est le premier élément qui rend nécessaire l’actualisation du projet communiste.

Communisme et lutte des classes

Enfin, l’avènement d’une société communiste n’est pas la conclusion inévitable du développement du capitalisme. Le capitalisme peut surmonter ses contradictions, évoluer, perdurer. Les hommes font l’histoire, et l’évolution du capitalisme vers le communisme dépend d’un combat : la lutte des classes. C’est le second élément qui rend nécessaire une actualisation du projet communiste. Non seulement ce projet doit s’inscrire dans l’évolution du capitalisme, mais il doit aussi correspondre aux aspirations de l’une des classes en lutte, pour avoir une chance d’être un jour réalisé.

Ce seront donc les deux critères qui guideront mes tentatives :
- un projet répondant aux contradictions actuelles du capitalisme, et s’inscrivant dans la continuité d’une analyse de la société contemporaine ;
- un projet porteur de dignité et d’espoir : l’actualisation doit aussi être au service de la mobilisation.

  • 1. Où est la classe ouvrière ?

« L’histoire de toute société jusqu’à nos jours est l’histoire de la lutte des classes »

Si l’on en croit Marx et Engels, la lutte des classes est et restera le moteur de l’histoire, jusqu’au jour où elle aboutira à l’avènement d’une société sans classe : la société communiste. Si pendant un temps on a pu croire – analyses sociologiques à l’appui – que la lutte des classes était un outil périmé (avènement de la « classe moyenne », mobilité sociale due à l’essor économique…), ce n’est plus le cas aujourd’hui. La crise économique, la force du mouvement social, la dégradation des conditions de travail, la prolétarisation des couches moyennes, sont autant d’éléments qui rendent extrêmement perceptible la réalité de la lutte des classes dans notre société. Au point que les sociologues et les économistes reviennent à ce concept autrefois abandonné (cf. Paul Bouffartigue et alii, Le retour des classes sociales). Pourtant, si les classes sociales sont de retour, elles sortent d’une crise qui a brouillé leur définition. Quelles sont les classes sociales en présence ? Peut-on encore parler de classe ouvrière ? Comment définir la classe ouvrière ? le prolétariat ?

Classe ouvrière et prolétariat

Il est nécessaire avant toute chose de rappeler la distinction théorique entre classe ouvrière et prolétariat. La classe ouvrière désigne pour Marx la classe des producteurs, de ceux qui sont directement impliqués dans le processus matériel de production. Cette classe est pour Marx la classe révolutionnaire, parce que c’est celle qui a la perception la plus directe de l’exploitation capitaliste. Le prolétariat regroupe tous ceux qui ne sont pas capitalistes, c’est-à-dire tous ceux qui doivent vendre leur force de travail : les exploités, qu’ils soient ou non directement productifs.

Où est la classe ouvrière ?

Où est la classe ouvrière aujourd’hui ? La définition et la localisation de la classe ouvrière sont au fondement du projet communiste. De profondes modifications des conditions de travail – précarisation, chômage important qui fait pression sur ceux qui ont un emploi, flexibilité et horaires décalés… - ont eu pour effet de fragmenter la classe ouvrière, et de l’empêcher de s’organiser. (C’est ici une piste pour notre réflexion sur notre propre organisation : comment répondre à ces problèmes ?)

En outre, la mondialisation capitaliste a mis en place – dans une certaine mesure – une division mondiale du travail qui conduit à concentrer le processus de production matérielle dans certains pays. Comment alors poursuivre une lutte nationale – puisque la nation reste le cadre du combat politique – pour le projet communiste dans les pays qui voient progressivement s’éloigner la production ? C’est un problème d’acteurs, mais aussi d’idéologie : les Français ne croient plus aux usines, et les ouvriers français eux-mêmes ne sont plus fiers d’être ouvriers. Le terme « ouvrier » est discrédité, on lui préfère souvent celui de « technicien ». Sans identité commune, sans fierté d’appartenir à un collectif, comment la classe ouvrière peut-elle être un acteur des luttes ?

L’actualisation du projet communiste passe donc par une redéfinition à la fois pertinente économiquement et efficace du point de vue de la mobilisation de la classe sociale porteuse de ce projet. Une telle définition doit permettre de mettre en avant ce qui unit les prolétaires d’aujourd’hui, ce qui fait qu’ils ont des intérêts communs. Dans la définition marxiste du prolétariat, cet élément commun, c’est l’exploitation. Nous devons donc caractériser la forme contemporaine de l’exploitation capitaliste.

Proposition : prolétariat et soumission à la rentabilité financière

Nous devons d’abord insister sur le rôle essentiel que doit jouer la classe ouvrière, même réduite ou fragmentée, dans notre projet. Elle est la première victime de l’exploitation. C’est elle qui produit les richesses, et c’est elle qui subit les évolutions du capitalisme avec le plus de violence. Pour jouer nôtre rôle aux côtés de la classe ouvrière, il est essentiel d’affirmer la place centrale dans notre projet de la question du travail et de celle de la proporiété des moyens de production. Il ne s’agit pas là d’une réactualisation, mais bien d’un retour aux fondamentaux, c’est pourquoi je ne développe pas.

J’en reviens donc à ma tentative de définir ce qui unit l’ensemble des prolétaires dans le capitalisme d’aujourd’hui, ce qui peut permettre à leurs luttes de converger. Dans cette perspective, les définitions du prolétariat comme « salariat » ou « précariat » me semblent largement insuffisantes. Insuffisamment mobilisatrice – que pourrait être une lutte de tous les salariés ? – elles me semblent plus juridiques qu’économiques. Je proposerais plutôt – reprenant ainsi l’une des conclusions du séminaire d’économie animé par Frédéric Boccara à l’École Normale Supérieure l’an dernier – une définition du prolétariat contemporain par sa soumission à la rentabilité financière. Le prolétariat contemporain est caractérisé par le fait qu’il subit un critère de gestion qui lui est imposé : la rentabilité financière.

Cette définition a de multiples avantages, que je n’ai pas le temps d’énumérer. Elle permet d’inclure dans le prolétariat des formes nouvelles de travail, comme la sous-traitance. Elle est extrêmement mobilisatrice, dans la mesure où elle permet de rendre compte de multiples aspects de la vie, y compris hors-travail : le crédit, l’évolution des loyers, la question environnementale… Elle permet de poser la question de la propriété des moyens de production en termes de pouvoir : qui choisit et impose les critères de gestion ? Enfin, d’un point de vue économique, elle correspond à la mise en avant de l’aspect financiarisé du capitalisme actuel et permet d’affirmer le rôle essentiel des banques et de la finance.



  • 2. Le projet communiste face à la mondialisation capitaliste

Caractériser la mondialisation

La financiarisation de l’économie me semble en effet la caractéristique essentielle de l’évolution actuelle du capitalisme. C’est elle qui fait la spécificité – et la nocivité – de la mondialisation que nous sommes en train de vivre. En effet, la mondialisation capitaliste n’est pas un phénomène nouveau (cf. Fernand Braudel). Mais le rôle des capitaux financiers dans cette mondialisation lui donne un visage nouveau. Une seconde caractéristique de cette mondialisation doit être mise en avant : la possibilité nouvelle d’échanger des informations de plus en plus nombreuses, de plus en plus rapidement, grâce aux nouveaux moyens techniques.

    Cette mondialisation pose un problème essentiel au projet communiste : celui de la possibilité de mener un combat dans le cadre de la nation contre un système économique qui en ignore les frontières. Ce problème se décline sous deux aspects.

    Division mondiale du travail et internationalisme

    Le premier aspect, le plus concret, est celui des effets de la mise en place d’une division mondiale du travail sur la société française, et plus spécifiquement sur le prolétariat français : délocalisations, perte de notre industrie, mais aussi difficultés à définir la place de la France dans cette division mondiale du travail, qui suscite la peur d’être dépendants, marginalisés voire tiers-mondisés.
Face à cette peur, deux options politiques sont possibles : la première est celle d’un repli national qui se traduirait par un refus de la mondialisation. Cette option ne me semble pas pertinente économiquement : encore une fois, la mondialisation en elle-même n’est pas un processus négatif, au contraire, dans la mesure où elle peut permettre des gains de productivité, c’est-à-dire de temps ; le problème est que cette mondialisation est guidée par des intérêts financiers (la rentabilité) et non par des intérêts humains et sociaux. En outre, étant fondée essentiellement sur la peur, elle me semble insuffisamment mobilisatrice.

La deuxième option, qui devrait être je crois celle du projet communiste, est celle de l’internationalisme : affirmer le rôle des luttes nationales dans une lutte internationale pour imposer d’autres critères que celui de la rentabilité financière. Concrètement, cette option devrait se traduire par des partenariats accrus entre le PCF et les partis menant cette lutte dans les pays qui sont « sur le front » de la mondialisation : l’Amérique latine, mais aussi et surtout la Chine (voir en particulier les articles d’Yves Dimicoli sur la question dans le dossier Asie d’Economie et politique, dernier numéro de l’année 2004). Il faut préciser que cet internationalisme n’est pas un mondialisme : si nous refusons le repli national, il ne s’agit pas pour autant de brader notre tradition républicaine, qui peut jouer un rôle important dans la construction des mobilisations.

    Discrédit du politique et conscience de classe

Deuxième aspect du problème : la mondialisation financière porte en elle le discrédit de la politique. Face au pouvoir des multinationales, que pèsent les élus d’une nation ? Cette question crée chez nos concitoyens la résignation et le fatalisme, et nuit aux possibilités de mobilisation. J’ai déjà montré comment l’internationalisme pouvait constituer une réponse à ce problème. Je voudrais maintenant me faire un peu plus polémique, en tâchant de montrer que loin d’être un problème, ce deuxième aspect des choses est peut-être une chance pour le projet communiste.

Permettez-moi pour cela d’en revenir rapidement à Karl Marx et à sa critique de la politique comme représentation dans La Question Juive. Marx y pose le problème : dans quelle mesure la politique, dans le cadre d’une démocratie représentative, ne fonctionne-t-elle pas comme un masque dissimulant les véritables divisions qui traversent la société ? (La démocratie représentative constitue cependant pour Marx une étape possible de la mise au jour de ces divisions) Dans quelle mesure l’opposition entre droite et gauche, par exemple, ne contribue-t-elle pas à camoufler l’opposition entre exploités et exploiteurs, ou pour reprendre ma proposition, entre ceux qui subissent la rentabilité financière et ceux qui la décident ? Dans ce cas, ne devons-nous pas nous réjouir du fait que la mondialisation capitaliste mette au jour l’idée que le véritable pouvoir est économique ?

Le problème n’est donc pas tant que la mondialisation discrédite la politique, mais que dans le même temps, l’idéologie dominante affirme que l’acteur économique est un individu – là où l’acteur politique est un collectif. Et la tâche du parti communiste n’est plus tant de réhabiliter le politique – ce qui constituerait, dans une certaine mesure, un retour en arrière – que de construire la possibilité d’un collectif fondé sur des bases économiques, c’est-à-dire une conscience de classe. Nous en revenons au problème précédent.

  • 3. Capitalisme informationnel et développement de l’individu

Pour terminer, je voudrais chercher encore une fois à caractériser la société actuelle, à travers deux aspects qui reviennent souvent dans nos discussions : le développement d’une société des savoirs, qui fait jouer à l’information un rôle de plus en plus important dans la production économique ; et la domination d’une idéologie fondée sur l’individualisme. Ces deux éléments sont liés par la question centrale pour notre projet de l’émancipation individuelle.

Contradictions nouvelles portées par la révolution informationnelle

L’étape actuelle de l’évolution économique est caractérisée par le développement de techniques nouvelles de diffusion et de partage des informations, qui modifie profondément l’ensemble de la production. C’est ce que les économistes appellent la « révolution informationnelle », expression calquée sur celle de « révolution industrielle ». Ce progrès technique ne change en rien l’importance de la production matérielle dans notre société, mais elle en modifie les outils. Ces techniques nouvelles sont porteuses de contradictions nouvelles. En effet, leur développement nécessite un développement parallèle des compétences de l’ouvrier qui les utilise : il ne s’agit plus seulement de compétences techniques, mais bien de capacités d’abstraction, d’autoformation… Dans l’idéal, l’ouvrier de l’âge informationnel doit pouvoir faire fonctionner n’importe quel logiciel, et donc comprendre comment il fonctionne, s’autoformer pour suivre l’évolution de ses outils… Évidemment, de telles exigences entrent en contradiction avec l’impératif économique de rentabilité financière à court terme : la formation d’une main d’œuvre qualifiée, la formation continue, sont autant de dépenses qu’une entreprise soumise aux logiques financières ne se permettra pas.

Les réponses à cette contradiction : révolution informationnelle et individualisme

Cette contradiction entre la nécessité d’une formation émancipatrice et l’impératif de rentabilité financière est d’autant plus forte qu’elle fait écho à la valeur majeure de l’idéologie dominante : l’individualisme. Nous présentons souvent l’individualisme comme un obstacle pour la réalisation du projet communiste. Et si au contraire il était pour nous une chance ? Nous pouvons en effet nous appuyer sur l’individualisme pour faire monter l’aspiration à l’émancipation individuelle, et mettre au jour la contradiction entre cette aspiration et les logiques capitalistes.

Le capitalisme met en place des réponses à cette contradiction nouvelle. Le développement d’une consommation de « distinction », individualisée à l’extrême, la marchandisation croissante des savoirs, la destruction des outils de formation et d’émancipation qu’auraient pu être l’école publique, le service publique d’enseignement supérieur, les médias publics ou la recherche publique, pour les asservir de plus en plus rapidement aux logiques de rentabilité… sont autant d’éléments qui prennent sens dans ce contexte de révolution informationnelle.

Articuler émancipation individuelle et émancipation collective

Mais ces réponses suscitent des oppositions, et le projet communiste a ici une place pour se développer. Le projet communiste propose en effet de dépasser cette contradiction en supprimant l’exigence de rentabilité financière (notamment grâce au contrôle public des banques) et en faisant le choix de l’émancipation individuelle. En outre, contrairement au capitalisme, il n’oppose pas l’émancipation des uns à celle des autres, ne dresse pas les individus les uns contre les autres, mais fait de l’émancipation de chacun la condition de l’émancipation de tous, en articulant émancipation individuelle et émancipation collective.

Cette articulation me semble possible autour de deux notions : l’intérêt et la culture. Le projet communiste passe souvent pour peu crédible, parce qu’il supposerait un homme nouveau, généreux, prêt au partage… Or dans le contexte actuel de crise et de précarisation, l’égoïsme est bien compréhensible. C’est pourquoi plutôt que de se fonder sur ces valeurs – justes et belles, mais peu efficaces -, le projet communiste me semble devoir mettre en avant la notion d’intérêt, et montrer que l’intérêt individuel des exploités – de ceux qui subissent la rentabilité financière – rejoint l’intérêt collectif de la société toute entière. Il est de l’intérêt des exploités d’être mieux formés, de manière à maîtriser leur travail, et à pouvoir en changer. Il est de l’intérêt de la société toute entière que cet impératif de formation – garant d’efficacité économique à long terme – prenne le pas sur l’impératif de rentabilité financière, qui profite à une minorité à court terme (les actionnaires) mais conduit à long terme l’ensemble de la société dans l’impasse. La crise d’Airbus en est un exemple frappant. L’intérêt individuel des prolétaires rejoint ici l’intérêt commun, et l’émancipation individuelle l’émancipation collective.

Plus concrètement, et pour revenir à la question qui constitue le « fil rouge » de cet exposé, l’articulation de l’émancipation individuelle et l’émancipation collective peut aussi passer par la construction d’une culture, à la fois émancipatrice pour les individus et fondatrice d’un collectif – d’une conscience de classe. Par culture, je n’entends pas seulement un ensemble de savoirs, mais aussi un certain nombre de valeurs et de principes : respect du travail et exigence d’excellence, respect des positions individuelle (tolérance) et volonté de travailler collectivement, etc. Ce travail de (re)construction d’une culture émancipatrice et collective doit faire partie du projet communiste. Ses formes concrètes sont multiples : développement de la démocratie et du débat dans le parti et dans la société, diffusion des savoirs, développement de la formation… Ce travail est nécessaire pour lutter contre l’uniformisation culturelle de la société, qui sous couvert d’individualisme enferme les individus dans un modèle unique différencié à la marge (seule la couleur du téléphone portable change), et qui masque la division fondamentale entre exploiteur et exploités. Il fut un temps où les patrons allaient à l’opéra, aujourd’hui Sarkozy s’affiche avec Johnny Hallyday et regarde les mêmes séries télévisées que sa femme de ménage… et que les dirigeants du PCF. Comment s’y retrouver ?


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